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LE TEMPS DES FÊTES CHEZ LES AUGUSTINES DU 20E SIÈCLE : DE L’AVENT À NOËL

Chez les Augustines, les célébrations de Noël ont évolué à travers le temps. L’alimentation est un aspect qui a énormément changé depuis le début du 20e siècle. Grâce aux documents conservés au Centre d’archives du Monastère des Augustines, il est possible de constater les changements apportés aux habitudes alimentaires liées au temps des Fêtes.

Sœurs Claire Gagnon et Marie-Anne Côté à l’Hôtel-Dieu de Québec, 12 décembre 2012, Québec, Le Monastère des Augustines, LDM. Photo : Daniel Abel 

Un Noël solennelle

Au début des années 1900, les Augustines célèbrent Noël en silence. Trois messes sont suivies d’un Salut à l’Enfant Jésus, puis d’un réveillon en silence complet. Par la suite, elles vont prendre une collation au réfectoire[1]. Cette collation est constituée d’un bouillon de poulet[2] ou d’une soupe de riz[3], accompagnés de quatre biscuits salés à base de farine (les fameux biscuits soda)[4]. L’atmosphère des célébrations est très solennelle. Une sœur décrit Noël comme étant « beau dans sa liturgie, mais pas très gai humainement parlant[5] ».

Extrait des Annales de l’Hôtel-Dieu de Québec mentionnant la soupe de riz, 25 décembre 1881, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-A5,1/1:3

Puisqu’avant 1965 les Augustines sont cloîtrées, les familles ne sont pas invitées lors des célébrations et les interactions entre les religieuses et leur famille sont limitées. Les Augustines, prenant les préparations de l’Avent et de Noël très au sérieux, ne peuvent recevoir leur famille au couvent en ce temps de l’année. Puisqu’elles ne peuvent aller au monastère durant le temps des Fêtes, les familles envoient des lettres et des cadeaux par la poste. Tout ce qui arrive par la poste du début de l’Avent (4e dimanche avant Noël) jusqu’à la Saint-Sylvestre (31 décembre) est conservé par la mère supérieure et remis aux destinataires lors du jour de l’an[6].

Un vent de changement

Avant 1950, le silence est de mise lors des repas au réfectoire, même durant le réveillon de Noël. Cependant, le droit de parler lors du réveillon, qui a été obtenu par la suite, n’est pas le premier grand changement qui permet de rendre cette soirée plus festive[7]. Vers 1930, les desserts apparaissent sur la table des Augustines lors du souper de Noël : des puddings ainsi que d’autres desserts légers obtiennent une place dans les assiettes des sœurs. De plus, en 1939, pour le tricentenaire de l’arrivée des Augustines à Québec, les Mères de France en visite mentionnent que leurs consœurs québécoises peuvent manger de plus grandes quantités de nourriture. Les repas sont alors devenus plus abondants et variés, autant dans la vie de tous les jours que lors des jours de fête[8].

Petites attentions sucrées

Les Augustines travaillent dans l’hôpital qu’elles ont fondé. Jusque dans les années soixante, elles s’occupent de tout, ou presque. Lors de fêtes comme Noël, elles concoctent un repas particulier pour les malades et confectionnent une petite bûche de Noël pour chacun d’eux. Elles portent aussi une attention particulière aux médecins. Ces derniers reçoivent une bûche par famille, du sucre d’orge pour les enfants et, lors de leurs visites au couvent, chaque enfant reçoit un cornet de bonbons. Il y a aussi la présence du Père Noël dans le département des enfants[9]. Pour la première fois, en 1948, les Augustines ont du chocolat pour le réveillon. Les médecins et les patients ont donné du chocolat aux sœurs, qu’elles se sont partagé lors du souper[10]. Vers 1950, les religieuses aussi ont droit à une petite bûche individuelle le 25 décembre au réfectoire[11].

Bonbons et gâteaux assortis confectionnés par sœur Marie-de-Lorette (Claire Proulx) pour le temps des réceptions des fêtes, vers 1942, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-N6,5

Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, les Augustines confectionnent tout elles-mêmes. Tout ce qui sort des cuisines, autant celle du monastère que celle de l’hôpital, est fait entièrement par les religieuses. Comme elles doivent nourrir leur communauté en plus des patients de l’hôpital, elles ont besoin d’une quantité considérable de denrées à l’année. Les recettes des Augustines sont traditionnelles, transmises d’une religieuse à l’autre. Elles tiennent énormément à leurs traditions, comme c’est le cas encore aujourd’hui. Elles bénéficient de l’expérience d’Augustines plus expérimentées pour apprendre les différents métiers présents dans le couvent et à l’hôpital[12].

Célébrations festives

Suivant les prérogatives du Concile Vatican II, les Augustines ont levé le cloître à la fin des années 1960. Les célébrations entourant Noël sont alors devenues plus festives. C’est maintenant récréation : un sapin est présent, elles reçoivent un calendrier de Marie-Catherine de Saint-Augustin et il y a parfois un échange de cadeaux[13]. Le nombre de desserts augmente, passant de 1 à 3[14]. Noël est aussi un moment de grand congé, ce qui veut dire qu’elles ont maintenant la permission de parler durant les repas du midi et du soir[15].

Religieuse terminant les décorations de la cheminée géante contenant les cadeaux pour les membres de la communauté du monastère de Roberval, décembre 1964, Roberval, Le Monastère des Augustines, HDR-I.5.1.4:375

Pour résumer, les Augustines, qui ont construit la base du système de santé, vivent le temps des Fêtes en silence, entrecoupé de rites solennels, et s’alimentent très simplement. Avec les années, une plus grande variété de plats et de desserts est venue garnir la table de la communauté. Les célébrations sont devenues plus festives et se sont apparentées de plus en plus à celles des laïcs.

Estelle Girard


[1] Entrevue par Denis Croteau avec sœur Marguerite Bélanger, 12 mars 1997, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/1:25A.

[2] Entrevue par sœur Nicole Perron avec sœur Patricia Roy, 25 novembre 1993, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/3:44A.

[3] Annales de l’Hôtel-Dieu de Québec 1877-1888 volume 3, 25 décembre 1881, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-A5,1/1:3.

[4] Entrevue par sœur Nicole Perron avec sœur Patricia Roy, 25 novembre 1993, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/3:44A.

[5] Entrevue par sœur Alberta Briand avec sœur Marie Côté, 29 décembre 1969, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/3:20b.

[6] Transcription notes et mémoires à jour (juin 2020), Marie Côté, p. 64.

[7] Entrevue par sœur Alberta Briand avec sœur Alice Doyle, 12 avril 1970, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/3:23a.

[8] Entrevue par sœur Nicole Perron avec sœur Rosée Tardif, 26 novembre 1993, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/3:45A.

[9] Entrevue par sœur Nicole Perron avec sœur Alvine Bouillé, 30 septembre 1993, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1-3-43-A.

[10] Notes, mémoires et travaux de sœur Alberta Briand, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-A5,3/3.

[11] Entrevue par sœur Nicole Perron avec sœur Patricia Roy, 25 novembre 1993, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/3:44A.

[12] Entrevue par sœur Nicole Perron avec sœur Patricia Roy, 25 novembre 1993, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/3:44A.

[13] Jean Simard (dir.), assisté de David Harvengt, Le patrimoine immatériel des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, rapport d’enquête orale préparé par Nicole Bourgault, Denis Croteau, Véronique Dupont, Véronique Labonté, Karine Laviolette, Madeleine Pastinelli et Sophie Pomerleau, Québec, Université Laval, 1997, p. 98-100.

[14] Entrevue par sœur Alberta Briand avec sœur Marie-Stella Ellie, 27 novembre 1969, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/3:15a.

[15] Entrevue par Denis Croteau avec sœur Marguerite Bélanger, 6 mars 1997, Québec, Le Monastère des Augustines, HDQ-F1-P1/1:23A.